Voilà une pièce de théâtre que j’ai étudié avec mes Terminales cette année. Elle permet en effet de travailler sur les trois objets d’étude de TBAC PRO : « Identité et diversité », « L’homme et son rapport au monde » et « La parole en spectacle ». J’ai aimé le fait que cette œuvre puisse traverser le programme. La première lecture est, je trouve, déroutante. Le théâtre de l’absurde n’est pas facile. J’ai moi-même été très mitigée lors de la lecture de la pièce. En revanche, j’ai adoré l’étudier avec les élèves. C’est une œuvre complexe qui permet de réfléchir sur l’Histoire, le nazisme, sur la quête de notre Identité profonde et sur le théâtre en règle générale.
Ionesco propose une réelle réflexion sur le XXème siècle et tout particulièrement sur les décennies précédents la parution de Rhinocéros (1959). L’auteur revient sur la seconde guerre mondiale, la montée des fascismes. On sent que ces événements tragiques ont provoqué chez Ionesco une réelle remise en question. Comme de nombreux artistes, il a eu besoin d’exprimer ce traumatisme afin de s’interroger sur l’action de l’Homme, aux prises de positions politiques, morales et philosophiques de celui-ci.
Ainsi la rhinocérite, entendez la métamorphose en rhinocéros, est un symbole de l’ascension des dictatures au XXème siècle. Bérenger, contrairement aux autres personnages, lutte afin de ne pas suivre bêtement les autres. Il est le seul à apparaître comme un héros, l’Homme courageux et définitivement libre de ses choix. C’est une pièce tellement réelle ! J’ai revu les meetings hitlériens, la manipulation des masses.
Ce qui est difficile dans cette lecture c’est les conversations parallèles qui se croisent. Ainsi lors de plusieurs scènes, plusieurs personnages dialoguent mais ne parlent pas du même sujet. Le lecteur / spectateur se retrouve donc à suivre deux conversations en même temps. Le théâtre de l’absurde et tout particulièrement cette pièce est une vraie remise en cause du théâtre classique. Ionesco y remet en cause le langage…
Toute cette pièce n’a, me semble-t-il, qu’un seul objectif : mieux comprendre notre vie !
Enfin, autre élément intéressant : Rhinocéros permet aussi de réfléchir sur sa propre identité. Doit-on renoncé à sa culture, à son Identité pour s’intégrer dans la société ? Bérenger doit-il lui aussi devenir un Rhinocéros afin de ne pas être en marge de la société ? C’est une autre perspective de lecture qui fait de cette pièce une vraie pièce philosophique, très intéressante à lire et à relire.
Et l’adaptation de Demarcy-Mota ?
C’est une mise en scène elle aussi abstraite ou en tous cas minimaliste que nous livre Demarcy-Mota. Le décor est constitué d’un parallélépipède posé sur la scène. Les bâtiments évoluent tout au long de la scène, se déplient, se referment. Ils jouent un vrai rôle dans la pièce, symbolisant la peut, l’enfermement, les dictatures. Ils deviennent une forme de monstre non sans rappeler la description de la mine par Zola dans Germinal !
C’est une mise en scène froide, réglée au millimètre près qui s’est jouée à Paris en 2004.
Je garde un excellent souvenir de la mise en scène de Demarcy-Mota (vue il y a quelques années, lors d’une reprise au Théâtre de la ville qu’il dirige). J’aime énormément Ionesco et je trouve qu’il est aujourd’hui le metteur en scène qui l’appréhende le mieux. Rhinocéros est loin d’être ma pièce préférée de cet auteur mais il faut voir Ionesco suite (peut-être disponible en DVD aussi, je ne sais pas), pièce fabriquée par montage à partir d’extraits de quatre pièces : c’est d’une intelligence rare et ça me paraît justement un support génial pour faire découvrir le reste de l’oeuvre de Ionesco (beaucoup plus compliquée, je pense, car ne se rattachant à aucun fait historique contrairement à Rhinocéros) à des élèves.
Merci pour la référence je note !
Je ne suis pas une grande fan de la mise en scène de Demarcy-Mota : je trouve qu’elle étouffe trop la dimension burlesque du texte au profit de sa dimension inquiétante… par contre les acteurs sont bluffants !
Oui les acteurs sont vraiment sensationnels, les élèves ont d’ailleurs été bluffés ! Par contre, je suis d’accord avec toi, l’aspect burlesque de la pièce manque.
j’en avais vu une belle version au théâtre il y a quelques années!
ça te dirais de participer au challenge théâtre? Pas de contrainte, juste un lien, histoire de récapituler les coups de coeur? Si ça te dit : http://lecture-spectacle.blogspot.fr/2013/12/challenge-theatre-2014.html
Bonne journée!
Je mettais dit plus de challenges mais le tien me tente vraiment… Je prépare un billet pour bientôt, merci de m’accueillir
Ravie de t’accueillir! Et comme le challenge prend en compte les billets publiés depuis le 1er janvier, il me semble que tu dois avoir au moins deux Médée dont je récupérerai les liens avec plaisir!
Je prépare un billet pour ma participation au challenge et je viens te donner mes billets tout de suite.
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